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La vraie nature des contes

Bonjour à toutes et à tous.

Aujourd’hui, 20 décembre 2012 (veille de la soi-disant fin du monde), nous célébrons le 200ème anniversaire des contes de Grimm. Tout le monde connaît leurs œuvres évidemment, du moins en partie. Le Petit Chaperon Rouge, Blanche-Neige, La Belle au Bois Dormant, Cendrillon, Hansel et Gretel, etc. Il y en a trop pour tous les citer.

Il y a cependant certaines choses à savoir sur ces contes, la première étant que certains de ceux cités ci-dessus – et bien d’autres encore – sont des adaptations ou des reprises de contes populaires transmises essentiellement à l’oral avant que certains auteurs comme les frères Grimm ou Charles Perrault les retranscrivent à l’écrit pour les immortaliser. La deuxième, plus importante, est la réelle maturité des contes. En effet, si certains ont été popularisés en tant qu’histoires enfantines et niaises par les livres, dessins animés et films pour enfants, il faut savoir que la plupart étaient à l’origine beaucoup plus sombres, voire horribles.

Le manichéisme extrême

Il est tout à fait compréhensible que ces histoires fussent édulcorées pour ne pas choquer les enfants. En effet, que serait le monde si tous les enfants apprenaient que, selon les frères Grimm, les demi-sœurs de Cendrillon finissent toutes deux avec les yeux crevés par des pigeons lors du mariage de cette dernière, dans une totale indifférence :

Le jour où l’on devait célébrer son mariage avec le fils du roi, ses deux perfides sœurs s’y rendirent avec l’intention de s’insinuer dans ses bonnes grâces et d’avoir part à son bonheur. Tandis que les fiancés se rendaient à l’église, l’aînée marchait à leur droite et la cadette à leur gauche : alors les pigeons crevèrent un œil à chacune celles. Puis, quand ils s’en revinrent de l’église, l’aînée marchait à leur gauche et la cadette à leur droite : alors les pigeons crevèrent l’autre œil à chacune d’elles. Et c’est ainsi qu’en punition de leur méchanceté et de leur perfidie, elles furent aveugles pour le restant de leurs jours.

Ou encore la condamnation de la méchante reine dans Blanche-Neige :

il lui fallut chausser ces pantoufles rougies au feu et danser avec, elle fut condamnée à danser jusqu’à ce qu’elle eût les pieds consumés et tombât roide morte.

De manière plus légère, on peut trouver un conte – très très court – intitulé La Mort la plus douce pour les criminels. Le titre est assez morbide et pourtant, à sa lecture, il ne s’agit ni plus ni moins que de l’histoire d’un criminel tentant de tourner à son avantage la clémence du prince qui le condamne à mort.

Cependant, la concision de cette histoire et sa conclusion naïve donne d’avantage l’impression d’avoir affaire à un brin de philosophie de comptoir qu’à un vrai conte.

La simplicité est la sophistication suprême (Léonard de Vinci)

Mon conte de Grimm préféré reste sûrement Histoire de celui qui s’en alla apprendre la peur qui narre l’histoire d’un homme trop simplet pour avoir peur – car il n’en comprend tout simplement pas le principe – mais qui cherche à tout prix à connaître ce sentiment. La fin est tout simplement amusante, ironique quand on la compare avec le reste du conte, et change radicalement du cliché habituel – « et ils vécurent heureux jusqu’à la fin des temps ». Par sa façon d’aborder la simplicité d’une personne et de sa perception par les autres, on peut voir une certaine ressemblance avec le film Forrest Gump.

Un autre conte plus ou moins similaire : Le Vaillant Petit Tailleur. Un personnage qui va vivre de grandes aventures et changer radicalement de mode de vie grâce à un évènement banal : tuer 7 mouches d’un coup. Facilement impressionnable, notre protagoniste y verra un exploit qu’il arborera fièrement sur une ceinture par cette simple expression : « Sept d’un coup » ! Ce conte joue essentiellement sur l’imagination des personnages que rencontrera le protagoniste qui, sans contexte concernant l’expression « Sept d’un coup !« , verront en lui quelqu’un d’exceptionnel.

Le point commun à ces deux contes est l’accent mis sur la différence de perception concernant des choses banales, entre une personne simple et les gens dits normaux.

Les contes d’ailleurs

Nous connaissons chez nous les contes européens. Ceux de Perrault et de Grimm principalement. Mais on peut s’intéresser à d’autres contes. Au collège, une professeure de français a eu la bonne idée – je l’en remercie – de nous faire lire des contes d’origines diverses : Afrique, Chine, Inde, etc…

Il existe, par exemple, un conte chinois cherchant à expliquer pourquoi la mer est salée. Il reprend une notion très ancienne, que très peu aujourd’hui connaissent, à savoir les épices comme monnaie d’échange – en l’occurrence le sel. À titre d’information, c’est d’ailleurs de l’utilisation des épices comme monnaie que l’on tient le mot « espèces » utilisé aujourd’hui.

On peut cependant noter qu’en cherchant à expliquer le monde qui nous entoure, ces contes se rapprochent plutôt de la structure du mythe que de celui du conte, bien que ne faisant pas intervenir d’entité divine ou semi-divine.

Quelques conseils de lecture

Pour commencer, je vous invite à lire les contes de Grimm (dont la plupart sont disponibles sur Wikisource). Beaucoup valent le détour. Certains vous donneront une autre vision des choses, d’autres vous donneront simplement une impression de déjà vu puisqu’ils sont des variantes d’autres contes.

À ce sujet, vous pouvez également consulter la page du même site consacrée aux Contes de la Mère l’Oye avant Perrault. Vous retrouverez certains contes communs à ceux de Grimm, pour certains dans plusieurs versions, avec pour chacun un texte d’introduction pour apporter quelques précisions sur le conte en question. Par exemple, on peut y voir que le sort des sœurs de Cendrillon est plus doux dans la version italienne que dans la version allemande (celle des frères Grimm).

Consacrez aussi un peu de temps aux contes d’ailleurs qui apporteront du sang neuf à votre imagination. Vous pouvez également vous intéresser aux contes régionaux – j’ai par exemple eu l’occasion de lire des contes traditionnels des Pyrénées.

Si vous avez l’occasion de vous balader dans une fête médiévale, vous pouvez y trouver des conteurs qui sauront vous captiver avec talent. De manière assez surprenante, il m’est arrivé d’assister à plusieurs séances d’un même conteur et de n’entendre aucune redite. Tous les contes sont plus ou moins originaux et le conteur narre avec talent et humour. Si vous voyez passer ce conteur en particulier, foncez ! 😉

Je ne peux m’empêcher de vous conseiller également quelques versions de contes plus cocasses. Si vous cherchez bien, vous pouvez trouver certains contes en patois ou en argot. Voici, par exemple, une version un peu particulière du Petit Chaperon Rouge.

Dans le même style, je vous recommande Un conte peut en cacher un autre, de l’écrivain américain Roald Dahl, qui s’est fait une joie de parodier certains contes connus. Si vous pouvez mettre la main sur la version audio lue par François Morel, je vous la recommande.

Je vous laisse sur ces quelques recommandations. Lisez, tant que vous le pouvez, et je vous dis à bientôt.

Watchinofoye

Published inLa chronique littéraire

One Comment

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